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Transcendance

Transcendance

Le terme transcendance (du latin transcendens ; de transcendere, franchir, surpasser) indique l'idée de dépassement ou de franchissement. C'est le caractère de ce qui est transcendant, c'est-à-dire qui est au-delà du perceptible et des possibilités de l’entendement. (Wikipédia)


Pour que ceux que nous aimons ne partent plus si vite

Publié par Bénédicte AFFO sur 5 Avril 2017, 10:11am

Catégories : #Sensibilisation, #Santé, #Vie sociale

Destins brisés

C'est l'histoire de deux jeunes gens qui étaient très amoureux. Si amoureux qu'ils décidèrent de fonder une famille. Tout semblait bien aller. Cependant, l'un d'entre eux portait un lourd secret; une hérédité familiale, un gêne pouvant rendre malade. La raison aurait voulu que ce jeune homme parle de cette particularité à sa compagne... Mais pourquoi se créer des problèmes inutiles? Il se sentait en pleine forme et sa compagne semblait aussi en parfaite santé. Le pourcentage pour qu'ils fassent des enfants malades était bien faible, inutile de s'en faire pour si peu. Sa décision était donc prise: Au diable la raison!... Sa réflexion n'avait duré qu'un court instant. Le premier enfant, une fille, vit donc le jour et n'avait aucun symptôme préoccupant à part un petit retard de croissance. Très vite, elle fut suivie par une autre petite fille qui en parfaite santé (apparente) venait faire taire cette petite voix qui revenait parfois chuchoter dans la tête de ce jeune père. Tout ceci semblait déjà loin lorsque,  à quelques semaines de son quatrième anniversaire, l'état de santé de l'aînée se dégrada et les choses se sont enchaînées rapidement. Elle mourut au bout de quelques semaines, un soir de novembre des suites d'une anémie sévère. Les médecins n'ont pas pu faire un diagnostic précis car les deux parents n'avaient rien déclarer de particulier sur leur état de santé mais ont attribué le mal de l'enfant à une malformation génétique. Le diagnostic s'imposa à eux lorsque quelques années plus tard, la jeune femme se retrouva de nouveau enceinte. Affectée par le passé, elle a voulu un suivi minutieux de sa grossesse et a demandé dès la naissance de ce nouvel enfant, une batterie de tests, afin de s'assurer que l'enfant se portait bien et ne subirait donc pas le même sort que son aînée. Pour résumer, un examen a révélé une maladie. Une maladie que partageait tous les membres de cette famille mais qui se manifestait de manière différente chez chacun d'entre eux: les parents et la seconde fille portaient un gêne récessif mais le petit dernier semblait souffrir du même mal qui a emporté sa grande soeur. Depuis ce jour, cet enfant doit avoir un traitement important mais est en vie parce que la maladie a été détectée avant d'avoir réellement pu s'installer. Grâce (peut-on dire grâce?) à cette mauvaise expérience, les parents ont pu éviter un second drame. Malheureusement le père, rongé par la culpabilité ne s'est jamais remis de cette situation et cette famille est désormais détruite. Triste, n'est-ce-pas?

Cette histoire, sortie tout droit de mon imagination, est inspirée de faits réels. Cette histoire aurait pu être la vôtre car cette maladie tue chaque jour des milliers en silence. Cette maladie, c'est la drépanocytose

La maladie des globules rouges

Présente en Afrique, en Inde et dans certains pays d'Europe (plus de 20 000 cas en France) et d'Amérique, la drépanocytose ( ou anémie à hématies falciformes) est une maladie génétique qui affecte l’hémoglobine des globules rouges et se manifeste entre autres par une anémie, une insuffisance respiratoire, des crises douloureuses et un risque accru d’infections. Cette maladie est causée par une mutation du gêne de l'hémoglobine  (Hbs) dont le rôle est de transporter l'oxygène dans le sang mais elle ne se manifeste que lorsque l'individu est porteur de deux gênes de la maladie. Il en résulte une anémie importante, une maladie des membres ( rhumatisme articulaire aigu) et de l'abdomen et les individus sont plus sensibles aux infections. Il existe deux formes de la maladie : homozygote ( la maladie  se manifeste avant l'âge de 2 ans par un ictère (jaunisse), un teint pâle et des douleurs abdominales) et hétérozygote (L'individu est porteuse de la maladie sur un seul gêne ce qui signifie que la maladie ne s'exprime pas. En revanche, ils peuvent donner naissance à un enfant drépanocytaire si l'autre parent est également porteur du gêne.  Les gênes normaux sont appelés A, les gênes anormaux drépanocytaires sont appelés S. Chaque personne possède en principe une combinaison de deux gênes: AA, AS ou SS. Seuls les individus SS sont vraiment malades, ce sont les homozygotes. Les AS sont des porteurs sains mais peuvent transmettre la maladie à leurs enfants, ce sont les hétérozygotes. Chez eux, la maladie ne s'exprime pas car le gène normal est suffisamment fort pour empêcher la destruction des globules rouges*.Néanmoins, il y existe des cas ou les hétérozygotes sont directement affectés, on dit qu'ils sont hétérozygotes composites: c'est le cas des SC ou des SE. L'enfant a du recevoir d’un des deux parents un gène drépanocytaire et de l’autre parent un gène anormal de l’hémoglobine, mais d’une autre nature (environ 500 variantes connues). Il peut donc avoir un syndrome drépanocytaire majeur, parfois aussi grave que la forme homozygote, parfois atténuée. L'organisation Mondiale de la Santé estime à plus de 50 millions le nombre de cas dans le monde et près de 450 sont dépistés chaque année.Le sujet porteur du gêne hétérozygote doit ABSOLUMENT EVITER DE SE REPRODUIRE avec un autre hétérozygote. 

*Les AS possèdent aussi une protection naturelle contre le paludisme: la présence de protéines d'hémoglobines anormales empêche le parasite responsable du paludisme de rentrer dans les globules rouges.

Notre réalité

Si dans le monde, la drépanocytose est considérée comme une maladie rare, dans mon monde il ne l'est pas. Le continent africain est le plus touché par la maladie puisque 5 à 40% de la population est porteuse du gène muté (en majorité des porteurs sains, qui ne développeront pas la maladie). Faute de traitement adéquat, la moitié des enfants meurent avant l’âge de 5 ans. Aussi, fragilisés par la maladie, peu sont ceux qui arrivent à survivre aux modifications morphologiques de l'adolescence mais une prise en charge appropriée (antibiotiques, antalgiques, médicaments anti-urée…) permet aujourd’hui d’atteindre l’âge adulte (le seul traitement curatif est la greffe de moelle osseuse). Pour se soigner, il faut savoir accepter qu'on est malade; malheureusement dans nos contrées, c'est un sujet encore très tabou. Ce que les chiffres ne disent pas, c'est le nombre de personnes qui ne veulent pas savoir, qui refusent de se dépister ou simplement d'accepter le diagnostic. Ce que je dirai dans les prochaines lignes n'engage que moi et ne feront pas forcément des heureux mais le chemin vers la transcendance nécessite d'abattre des murs.

La politique de l'autruche

Nos croyances nous handicapent. On préfère croire à des malédictions surnaturelles, chercher un bouc émissaire plutôt que d'accepter qu'il y a un risque et qu'on peut éviter de faire des malheureux. Il y a pratiquement 10 ans, lors d'un passage dans un centre hospitalier de mon pays d'origine (le Bénin), j'ai été témoin d'une scène plus ou moins surréaliste. Cela dépendra du continent qui vous a vu grandir :). Une discussion entre la mère d'un jeune malade et une infirmière. L''enfant était sujet à de nombreux malaises et le médecin traitant a donc suspecté un cas de drépanocytose et a demander des tests. Visiblement, les résultats sont revenus positifs puisque l'infirmière tentait vainement d'expliquer  (après le médecin) à la maman que les malaises à répétition de son enfant était liés à cette maladie avec laquelle il était né. Malheureusement, cette dame soutenait que c'était tout simplement impossible parce qu'elle n'a jamais été autant malade, son mari non plus et ses autres enfants aussi. Ce qui a attiré mon attention, c'est qu'à un moment de ce dialogue de sourds, elle a sorti cette phrase:  "la guérisseuse de mon village m'avait bien prévenu contre les docteurs de la ville. Chaque fois que je vous vois, mon enfant est plus malade que la fois précédente. Nous avons déjà changé trois fois d'hôpital et c'est toujours la même chose. Vous inventez des maladies pour nous prendre toujours plus d'argent." Je trouvais cette réaction totalement insensée et grotesque car je ne pouvais clairement pas voir quel profit des médecins pouvaient tirer de la souffrance d'un petit garçon. J'étais d'autant plus interloquée que la dame en question m'avait l'air plutôt instruite et que je ne pouvais donc pas attribuer cette logique à de l'illettrisme. Il m'a fallu quelques années pour comprendre que c'était sa fierté qui parlait: elle ne pouvait pas accepter ce diagnostic car c'était reconnaître sa part de responsabilité dans ce qui arrivait et ça, c'est presque un suicide. Tout le monde lui serait tombée sur le dos: sa belle famille, sa famille et même son mari. Dans ces situations, on a toujours besoin d'un bouc émissaire et la femme est souvent le suspect idéal. Elle en porterait finalement la totale responsabilité et tous se retourneraient contre elle. Ils iraient même jusqu'à dire que cet enfant n'est probablement pas de son mari puisque les autres sont apparemment sains. Je sens d'ici la désapprobation de certains à lire mon propos mais vous savez que ce que je dis est vrai.  Nos croyances, notre culture sont parfois de gros handicaps... mais ça, c'est un autre débat! 

C'était la volonté de Dieu, cela devait arriver, c'était le destin... Ce fatalisme qui nous permet de nous voiler la face: de reconnaître que nous avons été irresponsables, que nous avons refusé de prendre les bonnes décisions, que nous avons décidé de jouer avec nos vies...Je parle de ceux là qui sont conscients du risque mais qui décident de ne pas savoir ou de ne pas en tenir compte... Oui c'est un risque mais faut-il s'empêcher de vivre le grand amour pour des probabilités? Peut-être que non mais est ce que ce n'est pas tout simplement différer la peine? Renoncer à la douleur de deux personnes contre celle de deux familles et surtout d'un enfant dans le futur? Pour moi, c'est un choix totalement égoiste  mais bon l'amour c'est beaucoup de cela finalement. Cela n'empêche pas que la douleur du futur sera aussi la leur...Je ne peux imaginer la douleur d'une mère qui a perdu un enfant (fausses couches, interruptions de grossesse,...) et en plus d'en être tenue pour responsable. Peut-être aussi que tout se passera bien aussi. Peut être que... A coups de "peut-être", on ne va pas bien loin. Dans le doute, je pense qu'on devrait tous faire les tests (pas seulement pour la drépanocytose) et connaitre notre état avant de se commettre avec une autre personne... C'est aussi cela être responsable! 

 

 Notre responsabilité  

Je ne pense pas avoir les compétences nécessaires pour parler de mesures scientifiques curatives de cette maladie. Ce que je peux faire néanmoins c'est de la prévention. Ceci un appel pour les jeunes adultes. Le début de la vie sexuelle doit être accompagné de certains réflexes. L'un d'entre eux doit être de faire systématiquement une électrophorèse (frottis sanguin) ou autre test de dépistage de la drépanocytose si vous n'en avez jamais fais auparavant.  Se renseigner discrètement auprès de son co-pilote ou lui demander de le faire SI vous comptez donner un avenir à cette relation car je sais que beaucoup d'avions décollent juste pour le plaisir du voyage. Mais je sais que le fait d'avoir fait vos tests ne peut qu'encourager l'autre à les faire. Cela demandera beaucoup de communication et de patience. Je vous souhaite juste d'avoir la force de prendre la bonne décision pour vous: renoncer ou avancer mais surtout assumer tout ce que cela impliquera et avoir les bons réflexes pour vos enfants. En faisant les tests, vous vous donnez le choix de décider... Cela peut tout changer. Oui je sais, plus facile à dire qu'à faire. Mais qu'est ce qui est finalement facile de nos jours? Après un risque calculé est toujours plus raisonnable qu'une roulette russe...Peut-on survivre à une peine de coeur? Certainement mais la probabilité de survivre à cette maladie et à la souffrance qu'elle peut causer autour d'elle est plus infirme. Le choix de votre mari ou de votre femme, doit aussi passer par là. Si vous hésitez ou avez un doute, Promenez vous un peu sur les forums qui parlent de la maladie, vous pourrez y lire des récits édifiants et inspirants. Faire un choix n'a jamais été facile mais là ce n'est plus un simple choix, c'est une question de vie ou de mort!

En ce qui me concerne, je ne connais que trop bien cette maladie, les "aurevoir" prématurés, la souffrance... c'est trop...mon choix est fait depuis longtemps et je vous conseille de faire de même dès maintenant!  

Merci d'avoir pris le temps de me lire! A bientôt pour un nouvel article... En attendant, soyez responsables ;) 

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N
Merci bien ma chère. C'est toujours un plaisir d'avoir de l'accompagnement. On tient le bon bout.
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N
Un rappel, à part les formes précitées, il faut noter qu'on a aussi la forme SD qui est sensiblement égale à la forme AS. Des avancées scientifiques sont en cours et de belles perspectives se profilent à l'horizon.
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B
Merci Narcisse pour cet apport non négligeable... Cdt
N
Je viens de te lire Bénédicte. Belle plume et je pense que c'est une très belle manière d'attitrer l'attention des gens sur ce mal qui tue silencieusement en Afrique en général et au Bénin en particulier. La belle preuve, c'est ma modeste personne, atteinte de cette maladie qui vis et sais de quoi il parle. C'est ce qu'on essaie de faire par le biais de notre association Jeunes Engagés contre la Drépanocytose (JED) au Bénin. Association composée exclusivement que des personnes atteintes de cette pathologie dont j'assure la présidence par intérim.<br /> Merci de nous soutenir par cette plume et j'ose croire que c'est le début du commencement.
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B
Merci à toi pour ton courage et ta bravoure! Je viens de prendre connaissance de ce groupe et ce sera un plaisir pour moi de vous accompagner! Ensemble, on va toujours plus loin. :)

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